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Publié le 5 Juin 2015

Le Corbusier - une froide vision du monde, par Marc Perelman (*)

Une lecture édifiante.
 

Une recension de Jean-Pierre Allali
Le Corbusier! Noble et majestueux, le nom résonne comme un symbole de la France moderne, créative et avant-gardiste. Et pourtant ! Architecte de renommée mondiale, novateur de talent, Le Corbusier, c'est « La Ville Radieuse » et « Le Modulor », l'homme qui a réinventé l'urbanisme. Et pourtant ! Intitulé « Le siècle de Le Corbusier », un documentaire réalisé par Juliette Cazanave, sur une idée originale de Pierre Assouline a été diffusé par Arte dans le cadre de la rétrospective organisée au Centre Pompidou du 29 avril au 3 août. Et pourtant !
Et pourtant, nous dit Marc Perelman, architecte lui-même, Le Corbusier, c'était aussi un admirateur de Pétain et d'Hitler, un ennemi des Juifs.
Nous avons rendu compte, ici même, en 2006 (1) d'une ouvrage véritablement iconoclaste, mais très intéressant du même Marc Perelman sur le football, sport fétiche de la jeunesse française, mais dont l'auteur montrait, nombreux et édifiants exemples à l'appui, la nocivité et la perversion.
Avec cette étude sur Le Corbusier au sous-titre révélateur : « Une froide vision du monde », si une grande partie est consacrée, de manière souvent critique -Perelman parle de paranoïa de l'ordre et du standard ou encore de « vision totalitaire parce que carcérale de l'idée même de logement-, à l'architecture, les révélations les plus intéressantes sont celles relatives aux opinions politiques du célèbre architecte. Et si, comme le souligne l'auteur, « les propos antisémites sont certes peu nombreux dans la correspondance de Le Corbusier, mais ils sont toujours redoutables », lesdits propos sont, pour celui qui les découvre, véritablement stupéfiants. En 1913, il a trente ans et écrit : « Ces Juifs, cauteleux au fond de leur race, attendent » (2) ou encore, un an plus tard, en 1914, à propos de sa ville natale, La Chaux-de-Fonds en Suisse : « Le petit Juif sera bien un jour dominé (je dis petit Juif parce qu'ici ils commandent, ils pétaradent et font la roue et que leurs papas ont à peu près absorbé toute l'industrie locale... » (3). Et, plus tard, en 1940 : « Le monde entier est en eux. Les groupements nouveaux sont encore à venir. L'argent, les Juifs (en partie responsables), la Franc-maçonnerie, tout subira la loi juste. Ces forteresses honteuses seront démantelées. Elles dominaient tout » (4). Peu après le vote portant Statut des Juifs, il s'épanche dans une lettre à sa mère : « Voici le grand coup de barre donné par le gouvernement français. Nous sommes entre les mains d'un vainqueur et son attitude pourrait être écrasante. Si le marché est sincère, Hitler peut couronner sa vie par une œuvre grandiose : l'aménagement de l'Europe... » (5). Et tant pis pour les Juifs : « Les Juifs passent un sale moment. J'en suis parfois contrit. Mais il apparaît que leur soif aveugle de l'argent avait pourri le pays » (6).
Une lecture édifiante, donc, où l'on découvre que celui qui considérait que la ville moderne est une catastrophe et que les rues ne devraient plus exister, l'architecte qui voulait systématiser le plan horizontal au détriment de l'articulation  des plans, était aussi, bien qu'il se défendit de faire de la politique, un théoricien d'une certaine pensée pour le moins douteuse. Marc Perelman nous rappelle qu'il était hanté par la dégénérescence de la race blanche du fait du machinisme et , pour faire le lien entre architecture et racisme, écrit : « Les normes anthropométriques du Modulor (7) avouent l'attrait pour le corps fasciste » et parle d'un « véritable racisme corporel ».
Édifiant !
Note :
(*) Éditions Michalon, Février 2015. 256 pages. 19 euros.
 

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