Editorial du président
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Publié le 16 Janvier 2013

La Convention nationale du CRIF

Malgré des conditions locales difficiles (la grande manifestation contre le « mariage pour tous » longeait l’immeuble), la Convention nationale du CRIF qui s’est tenue au Cap 15 le dimanche 13 janvier à Paris a été un grand succès de l’avis de tous ceux qui y ont participé. Les salles souvent pleines et en particulier archicombles lors de l’éblouissant échange entre le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim et le philosophe Alain Finkielkraut témoignent du caractère désormais installé de cette journée qui fut, non pas la seconde, mais bien la troisième Convention du CRIF, car la première avait été instituée par mon prédécesseur Roger Cukierman au cours de son mandat. 

Richard Prasquier

Même celui qui refuse le catastrophisme et qui par principe essaie d‘éviter les amalgames historiques douteux et incomplets est obligé de se poser une question dérangeante : l’antisémitisme serait-il en train de devenir à la mode ?

Des remerciements doivent s’adresser à tous ceux qui ont participé à la logistique de cet événement, et parmi eux à l'équipe professionnelle du CRIF dont il faut souligner qu’il se conduit en toute occasion avec un enthousiasme militant hors du commun, mais aussi au public qui fut d’une attention, d’une qualité d’écoute et d’une finesse de réactivité (dont témoignent les SMS de commentaires) tout à fait remarquables.

 

Les modérateurs des tables rondes et bien entendu les orateurs, nombreux et de diverses origines, furent les grands responsables de ce succès. Les contraintes de temps qu’ils ont dû subir pour leur exposé ont parfois été frustrantes, mais elles devraient être atténuées partie par la publication des textes complets des interventions (pour ceux qui nous les ont envoyés) dans les prochaines Newsletters du CRIF. Et Akadem, ce magnifique outil de diffusion, essaiera de mettre en ligne aussi vite que possible les interventions en « live ».

 

Nous sommes heureux d’avoir eu des partenariats significatifs, Actualité juive, bien sûr, mais aussi le Figaro et le Nouvel Observateur. D’une certaine façon le dossier sur l’antisémitisme publié dans ce dernier journal il y a environ huit mois a marqué une étape importante dans la prise en compte de l’antisémitisme dans notre pays.

 

Même celui qui refuse le catastrophisme et qui par principe essaie d‘éviter les amalgames historiques douteux et incomplets est obligé de se poser une question dérangeante : l’antisémitisme serait-il en train de devenir à la mode ?

 

Je ne parle pas ici seulement des « territoires perdus de la République » selon l’expression que ce livre-jalon publié il y a déjà une dizaine d’années a imposée avec justesse. Je ne parle pas de la composante massivement antisémite qui enfle aujourd’hui dans un monde musulman où les « Frères » prennent une place toujours plus grande avec une idéologie dont seuls les optimistes de profession (beaucoup de diplomates parmi eux) feignent de ne pas entendre la haine massive qui s’y exprime envers les Juifs. Je ne parle pas des terroristes de l’islamisme radical, porteurs d’une idéologie que j’ai – et je le maintiens- comparée au nazisme.

 

Non, je parle ici de l’opinion publique générale. Cette opinion, tous les sondages le montrent, avait rejeté l’antisémitisme et ne s’était nullement inquiétée lorsque, il y a moins de deux ans, les sondages prédisaient un deuxième tour présidentiel entre un candidat juif et un autre dont une partie de l’ascendance était juive: exemple réconfortant d’indifférence, qui permettait aisément de mettre fin aux allusions de ceux qui prétendaient que la France n’avait toujours pas digéré Vichy.

 

Mais aujourd’hui ne commencent-elles pas à courir, ces rumeurs suivant lesquelles « il n’y en a que pour eux » ? Qu’ils peuvent nous conduire « à la troisième guerre mondiale » ? Que « ce n’est pas parce qu’il y a eu la Shoah, que les Israéliens ont le droit de se conduire en nazis ?

 

La peur de l’Islam est paradoxalement probablement un des facteurs de cette évolution dont témoignent  aussi les campagnes ultra-laïcistes (abattage rituel, circoncision) dans plusieurs pays européens. Comme si on voulait conjurer un danger diffus et non maitrisable en l’assignant au bouc émissaire bien connu.

 

Mais le matraquage anti-israélien dans les médias et l’obligation quasi-statutaire à la détestation anti-israélienne si on prétend appartenir aux mouvements politiques d’extrême gauche jouent un rôle particulièrement funeste. Ils percolent peu à peu dans l’opinion publique. Ce monde si dangereux et cet avenir si inquiétant pourraient être illuminés, n’est-ce pas, si seulement les Israéliens acceptaient de faire la paix avec les Palestiniens (variante : si seulement, il n’y avait pas d’État d’Israël).

 

Ce degré zéro de la réflexion géopolitique est tellement attirant… C’est lui qui risque d’aspirer de nouveau vers la haine à l’air libre les vieux stéréotypes bien enfouis par le travail de mémoire que la société avait fait sur elle-même.

 

Contre ces nouvelles menaces antisémites, il ne faut pas demander aux Juifs d’aller à résipiscence en s’engageant dans un très apprécié discours anti-israélien. Ceux qui le font sont ultra-minoritaires, le resteront, et ne font par leur comportement que donner de la crédibilité à l’antisémitisme auquel ils prétendent par ailleurs s’opposer. C’est à la communauté nationale de se dresser dans toutes ses composantes, civiles ou religieuses, contre ces nouvelles menaces antisémites qui signalent les risques que court notre société dans ses valeurs les plus intimes de démocratie, de liberté d’expression, de vérité, de diversité et de laïcité.

 

Richard Prasquier,

Président du CRIF.

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