Editorial du président
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Publié le 27 Avril 2012

Ozar Hathora, un mois après

Quelle empreinte laissera le massacre de l’école Ozar Hathora, non pas dans la psyché collective, mais dans les réflexions sociétales des décideurs politiques et des acteurs du débat médiatique? Quelles conclusions en tireront les différents secteurs de l’opinion publique ?

Un mois après, les événements ont été effacés par le débat présidentiel. Cela vaut peut-être mieux, compte tenu du caractère insupportable des interprétations victimisantes qui ont fait florès dans les journaux. Mais, comment comprendre que l’aveuglement ait si vite repris le dessus?

 

L’assassin a  ses admirateurs. Bien des jeunes ont refusé de s’associer à la minute de silence, avec des pics dans certains lycées et collèges de zones « sensibles ». Je connais une ville où un groupe voulait réclamer le nom de Mohamed Merah sur un lieu public. Et, sans même insister sur les déclarations hallucinantes sur les réseaux sociaux, les tags, les menaces directes, l’augmentation des agressions antisémites au cours de ce dernier mois a été forte.

 

J’ai dit, spontanément et avec beaucoup de conviction, qu’il fallait s’interdire tout amalgame et ne stigmatiser ni l’Islam, ni la population musulmane de notre pays. C’est clair. Mais il ne faut pas non plus esquiver. Il ne suffit pas de dire que des hommes qui commettent de tels actes se mettent au banc de l’Islam qui est une religion de paix. Il faut admettre qu’un courant de l’Islam, porté par une lecture littéraliste, manifeste un antisémitisme à faire pâlir celui des nazis. Cet Islam, aussi bien celui des tribus wahhabites et des disciples de Qutb, que nous connaissons moins que celui de l’Afrique du Nord, a été marginal dans le passé. Il ne l’est plus. Porté par la rente pétrolière ou gazière, il est extrêmement influent aujourd’hui. Il prend prétexte de la politique d’Israël, mais s’est constitué sans lien avec elle.

 

Ce sont des porte-paroles de cet Islam-là qui ont été, in extremis, interdits au récent congrès de l’UOIF. Ce sont des adeptes de cet Islam qui ont écrit la charte du Hamas, comme ont voulu honteusement le cacher les organisateurs de l’exposition de photos à la Mairie d’Angoulême de la semaine dernière. Ce sont des partisans de cet Islam qui, en costume et cravate, sont pleins de compréhension et de compassion pour le destin de Mohamed Merah : ce qu’il a fait est « inacceptable, mais... C’est dans le « mais » que réside toute l’hypocrisie.

 

Et derrière eux, inconscients ou impuissants, il y a ceux qui remplacent le mot « antisémitisme » par le mot « racisme » plus consensuel, mais faux, et écrivent que le crime de M.Merah est d’avoir assassiné « sept enfants de la République », alors qu’il a voulu tuer des soldats et des Juifs. Car voyez-vous, comme on me l’a fait remarquer, « il faut éviter la polémique ».

 

Cachez ce sein que je ne veux pas voir, dit Tartufe. Si parler d’antisémitisme devient politiquement incorrect et si la société préfère la complaisance à l’égard d’un islamisme radical de type nazi, de lourdes questions se poseront sur la pérennité de la présence juive dans notre pays.

 

Richard Prasquier

Président du CRIF

22 avril 2012 (Cet éditorial est paru dans l'édition du 25 avril 2012 d'Actualité Juive)