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Publié le 7 Octobre 2020

Europe - La justice grecque qualifie le parti néonazi Aube d’"organisation criminelle"

Son fondateur, Nikos Michaloliakos, a été reconnu coupable de « direction d’une organisation criminelle ». Le verdict a été accueilli par les cris de joie des quelque 15 000 manifestants réunis devant le tribunal.

Publié le 7 octobre dans Le Monde

Après plus de cinq ans de procès, le parti néonazi grec Aube dorée a été qualifié d’« organisation criminelle », mercredi 7 octobre, par la cour pénale d’Athènes. Dans un verdict historique acclamé par la foule, mais ponctué d’incidents, le chef et les principaux cadres d’Aube dorée ont été reconnus coupables d’avoir dirigé ce parti.

Devant le tribunal, plus de 15 000 manifestants, selon la police, s’étaient rassemblés à l’appel du mouvement antifasciste, et de syndicats et partis de gauche. Hurlant de joie à l’énoncé du verdict au mégaphone, des manifestants ont lancé des cocktails molotov, auxquels les forces antiémeute, présentes en nombre, ont aussitôt répliqué par des tirs de gaz lacrymogène, des grenades assourdissantes et l’utilisation de canons à eau, pendant une vingtaine de minutes, a constaté une journaliste de l’Agence France-Presse (AFP).

Les principaux cadres absents

Nikos Michaloliakos, 62 ans, négationniste et admirateur du national-socialisme, a été reconnu coupable, avec six autres cadres du parti, de « direction et appartenance à une organisation criminelle ». Il était l’un des 68 accusés du procès fleuve du parti néonazi, impliqué dans un meurtre et deux tentatives d’homicides. Quarante-cinq autres députés et membres d’Aube dorée ont été reconnus coupables d’« appartenance » à une telle organisation, tandis qu’une quinzaine d’autres ont été acquittés.

Seule une dizaine d’accusés étaients présents dans une salle d’audience clairsemée, les principaux cadres étant absents à l’énoncé du verdict. Ils connaîtront leur peine lors d’une audience ultérieure, mais ils encourent entre cinq et quinze ans de prison.

La cour pénale d’Athènes a également reconnu Yorgos Roupakias, membre d’Aube dorée, coupable du meurtre d’un rappeur antifasciste en 2013. Le militant de gauche Pavlos Fyssas, avait été assassiné à l’arme blanche dans la nuit du 18 septembre 2013, à l’âge de 34 ans, devant un café de son quartier de Keratsini, une banlieue de l’ouest d’Athènes. Son meurtrier, qui a reconnu l’avoir tué, risque la prison à perpétuité. Les peines n’ont pas été annoncées mercredi.

« Justice a été rendue »

« Pavlos, mon fils, tu as réussi », a déclaré la mère de la victime, Magda Fyssas, très émue après la décision. Les parents de Pavlos Fyssas avaient écouté le verdict assis au fond de la salle d’audience. Mme Fyssas s’est levée, les poings serrés, en entendant le jugement, frappant frénétiquement la barre d’escalier devant elle, avant de quitter la salle pour fumer. « C’est une décision positive », a ajouté le père du rappeur tué, qui attend cependant de « voir maintenant les peines ».

A l’extérieur, la foule a exulté de joie dès l’annonce du premier verdict. Sur les masques des manifestants, les pancartes et les banderoles, ils proclamaient « le peuple veut les nazis en prison ». « C’est une grande victoire », s’est félicité Giorgios Papanikolaou, du parti d’extrême gauche Antarsya. « C’est très important que le parti soit qualifié d’organisation criminelle et pas uniquement jugé pour le meurtre de Fyssas », a-t-il dit à l’AFP. « Mais la lutte contre les idées nazies et racistes continue », a ajouté le manifestant, alors que le cortège se dirigeait aux cris de « Pavlos vit plus que jamais aujourd’hui » vers la place centrale d’Athènes, devant le Parlement grec.

A la sortie du tribunal, les avocats des parties civiles ont salué une « décision historique ». « Aube dorée est une organisation criminelle nazie », a déclaré Me Thanasis Kampayannis, avocat du syndicat PAME. « Justice a été rendue : Aube dorée est une organisation criminelle », a également déclaré à l’AFP Me Kostas Papadakis, avocat de pêcheurs égyptiens, autres parties civiles.

Déclin du parti

Dans ce procès fleuve, Aube dorée était en effet jugé pour deux autres affaires, des « tentatives d’homicide » impliquant elles aussi des membres de ce parti : l’une à l’encontre de pêcheurs égyptiens le 12 juin 2012, l’autre visant des membres du syndicat communiste PAME le 12 septembre 2013. La présidente de la cour, Maria Lepenioti, qui a égrené les noms des accusés et leurs jugements, a vu défiler 150 témoins et une cinquantaine d’avocats au cours de plus de 400 audiences ces cinq dernières années.

Formation politique fondée en 1985 par Nikos Michaloliakos, longtemps marginale, la débâcle sociopolitique que la Grèce a dû affronter après la crise financière de 2010 a profité à ce parti néonazi, dont des représentants entrent pour la première fois, en 2012, au Parlement grec. A l’époque, des groupes d’hommes en noir sillonnaient les rues d’Athènes, tabassant leurs opposants à coups de pied ou de barres de fer et scandant « sang, honneur, Aube dorée ».

Qualifié d’« historique » par le monde politique et les parties civiles, ce procès a entraîné progressivement le déclin de la formation, dont la direction renie actuellement l’idéologie nazie. Aux dernières législatives de juillet 2019, Aube dorée n’a obtenu aucun député.

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