Lu dans la presse
|
Publié le 28 Octobre 2020

France - Apologie du terrorisme: après la mort de Samuel Paty, une trentaine d'affaires en cours à Paris

La décapitation du professeur d'histoire de Conflans-Sainte-Honorine a provoqué un déferlement de haine en ligne, entre menaces de mort et légitimation des actes du terroriste

Publié le 27 octobre dans Le Figaro

L'assassinat terroriste de Samuel Paty, le 16 octobre dernier, a provoqué un véritable déferlement de commentaires sur les réseaux sociaux. Si la plupart des internautes se sont indignés de la décapitation de l'enseignant de 43 ans, tué devant son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), d'autres ont eu un tout autre discours. Sur certaines publications Instagram, Facebook ou Twitter, les caricatures du prophète Mahomet, montrées par le fonctionnaire lors d'un cours sur la liberté d'expression, ont parfois été vues comme une provocation. Certains individus ont ainsi légitimé la mort du professeur d'histoire, qui l'aurait, selon eux, «bien cherché».

Alors que Marlène Schiappa prévoit la création d'une unité de contre-discours républicain sur les réseaux sociaux, la traque des propos légitimant les actes du terroriste Abdoullakh Anzorov bat son plein. Ce mardi 27 octobre, une trentaine d'affaires avaient été traitées par le parquet de Paris à ce sujet-là depuis la mort de Samuel Paty, indique une source judiciaire au Figaro. Et les chiffres évoluent «rapidement, tous les jours», précise la même source. On parle ici dans la majorité des cas d'apologie du terrorisme ou de menaces de mort, mais aussi parfois d'injures publiques en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion et ou de provocation non suivie d'effet au crime ou délit. La plupart de ces saisies donnent lieu à des enquêtes, souvent confiées à la Brigade de répression de la délinquance aux personnes (BRDP), ajoute-t-on.

Charlie Hebdo souvent visé

À Paris, trois affaires ont donné lieu à des poursuites, dont une comparution immédiate, laquelle a donné lieu à un renvoi. «Dans ces différentes affaires, on parle de menaces de mort par moyen électronique: mails, messages privés ou publics sur les réseaux sociaux. Mais il s'agit aussi de menaces de mort par écrit, ou par voix téléphonique», indique notre source. Et d'ajouter : «Il peut s'agir de propos assez généraux sur les réseaux sociaux, d'une personne ou d'une entité visée». Une source bien informée assure que l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, auteur des caricatures de Mahomet, a ainsi été menacé à plusieurs reprises.

Si le parquet de Paris est souvent saisi dans ce genre d'affaires, il ne représente pas la totalité des enquêtes lancées sur le territoire pour ces mêmes faits. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait ainsi affirmé la semaine dernière que plus de 80 enquêtes avaient été ouvertes dans tout l'Hexagone contre «tous ceux qui de façon apologique ont expliqué d'une manière ou d'une autre que ce professeur l'avait bien cherché». «On a assisté à un déferlement de haine sur certaines publications d'associations ou d'influenceurs sulfureux, auteurs d'un double discours qui condamne l'acte tout en blâmant les caricatures», analyse une source policière.

Des affaires partout en France

La presse locale s'est ainsi régulièrement fait l'écho de ces affaires de haine en ligne ces derniers jours. Comme celle d'une étudiante en biologie de 19 ans, qui avait commenté une publication Facebook de L'Est Républicain annonçant un rassemblement en mémoire de l'enseignant. «Il mérite pas d'être décapité, mais de mourir, oui», avait-elle écrit. Jugée en comparution immédiate par le tribunal correctionnel de Besançon, la jeune femme a dit «regretter» ses propos. Elle a toutefois été condamnée à quatre mois de prison avec sursis, et devra effectuer un stage de citoyenneté dans les 6 mois à venir.

À Blois, un Tchétchène de 22 ans, a été mis en examen pour «apologie d'actes terroristes» par le biais des réseaux sociaux et placé en détention le 25 octobre. Selon le parquet, les investigations ont permis de mettre en lumière «des échanges et des écrits pouvant caractériser des actes d'apologie». Le jeune homme avait notamment «liké» sur son compte Twitter la photographie de Samuel Paty. Déjà condamné en 2017 pour les mêmes faits après les attentats de Charlie Hebdo, l'homme gardait chez lui de nombreuses armes et couteaux.

"On a assisté à un déferlement de haine sur certaines publications d'associations ou d'influenceurs sulfureux, auteurs d'un double discours qui condamne l'acte tout en blâmant les caricatures". Une source policière au Figaro

Enfin à Vesoul, un lycéen de 16 ans a été mis en examen pour apologie et provocation à commettre un acte de terroriste, après avoir appelé à faire «subir le même sort que M. Paty» aux «mécréants». «On sait désormais que tout message posté sur internet peut être suivi d'effet. Il faut donc une répression systématique de ce type de message», avait alors déclaré le procureur de la République de Vesoul, Emmanuel Dupic. Questionnée par nos soins, l'une de nos sources confirme les propos du magistrat: «Il faut comprendre qu'après un événement comme celui-là, les répercussions sont importantes. Il y a des secousses, et elles sont traitées au niveau judiciaire».