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Publié le 14 Avril 2020

France - Déconfinement progressif : Donner une perspective d’espoir aux Français

En envisageant, à partir du 11 mai, la réouverture des écoles et des crèches mais aussi le redémarrage d’une partie de l’activité économique, le chef de l’Etat fait un choix politique qui n’est pas sans risques.

Publié le 14 avril dans Le Monde

C’est une décision politique assortie d’un pari sanitaire qu’a annoncée Emmanuel Macron lundi 13 avril en fixant au 11 mai la « nouvelle étape » de la crise dans laquelle la pandémie de Covid-19 a plongé la France. A partir de cette date, le confinement serait progressivement levé sans que le chef de l’Etat ne s’avance sur un calendrier précis. Il a en revanche détaillé les principales mesures à commencer par la réouverture étalée des crèches, des écoles primaires, des collèges et des lycées d’ici à quatre semaines.

Dans leurs projections, de nombreux épidémiologistes prenaient pour hypothèse que ces établissements scolaires resteraient fermés lors d’une première étape de déconfinement. En l’état actuel des connaissances, il s’agit essentiellement d’une « précaution » car l’impact réel de cette mesure sur la circulation du SARS-CoV-2 n’a pas été mesuré. L’effet pour un virus comme celui de la grippe est certes bien documenté – la fermeture des écoles fait partie des armes « classiques » pour freiner une épidémie – mais il n’existe aucune donnée pour le nouveau coronavirus.

Si les enfants sont porteurs, à quel point transmettent-ils le virus ? « On verra au bout de quinze jours de réouverture si l’impact est négatif », indique Pascal Crépey, épidémiologiste à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). « Dans la mesure où il ne restera plus qu’un mois et demi avant les grandes vacances, les deux options – rouvrir ou maintenir la fermeture jusqu’à la rentrée – tenaient la route », estime le chercheur.

Le président de la République a justifié sa décision en expliquant que la fermeture des écoles était un facteur d’aggravation des inégalités sociales. « Trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires et dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents », a-t-il insisté.

Mesures de dépistage

Dans son discours, cette mesure est aussi liée à la reprise de l’activité économique. « Le 11 mai, il s’agira aussi de permettre au plus grand nombre de retourner travailler, redémarrer notre industrie, nos commerces et nos services », a explicité Emmanuel Macron.

Cette priorité paraît en effet difficilement conciliable avec le fait de garder encore plusieurs mois les enfants à la maison. Avec le risque qu’in fine leurs parents les confient aux grands-parents… Or, comme attendu, les personnes les plus fragiles et notamment les personnes âgées sont invitées à rester confinées.

Ce déconfinement sélectif s’accompagnera de mesures de dépistage. A partir du 11 mai, le chef de l’Etat a indiqué que « nous serons en capacité de tester toute personne présentant des symptômes », tout en précisant que « cela n’aurait aucun sens » de tester toute la population. Ces examens auront pour objectif d’identifier les malades à mettre en quarantaine. Il s’agira aussi de repérer au plus vite toutes les personnes ayant été en contact avec eux. Le président n’a pas précisé si ces « cas contacts » pourraient aussi bénéficier de tests – y compris en l’absence de symptômes – ni s’ils devraient eux aussi être isolés.

Cette stratégie de dépistage systématique et de « contact tracing » a été appliquée aux premiers temps de l’épidémie dans les « clusters ». Mais à l’échelle de la population, les méthodes classiques d’épidémiologie – qui reposent sur des enquêtes téléphoniques au cas par cas – ne suffiront pas.

Donner une perspective d’espoir aux Français

Pour permettre à un individu de savoir s’il a été en contact avec une personne contaminée, le gouvernement mise sur le développement d’une application numérique. « Il s’agit d’un outil d’aide à la décision. A partir du moment où les données sont anonymes, c’est aux utilisateurs de prendre la décision de s’isoler », commente Pascal Crépey, en soulignant que ce système « d’autocertification » s’inscrit dans la même démarche que les « attestations » de déplacement.

Pour se protéger au quotidien, chaque Français pourra disposer d’un « masque grand public ». Son port pourrait devenir systématique « pour les professions les plus exposées et pour certaines situations, comme dans les transports en commun. » Le président n’a pas détaillé davantage, indiquant que « le gouvernement présentera d’ici à quinze jours le plan de l’après 11-mai et les détails d’organisation de notre vie quotidienne ». Des « points de rendez-vous réguliers », sont prévus pour « adapter les mesures prises »

Si le choix d’annoncer la sortie progressive du confinement vise à donner une perspective d’espoir aux Français, le chef de l’Etat a insisté sur l’importance de ne pas se relâcher d’ici-là. « Le confinement le plus strict doit encore se poursuivre jusqu’au lundi 11 mai. C’est durant cette période, le seul moyen d’agir efficacement. C’est la condition pour ralentir encore davantage la propagation du virus, réussir à retrouver des places disponibles en réanimation et permettre à nos soignants de reconstituer leurs forces. »

Depuis quelques jours, les hôpitaux enregistrent plus de sorties que d’entrées, et même si ce plateau devrait se prolonger deux à trois semaines – c’est le temps d’hospitalisation moyen des cas graves de Covid19 – les médecins réfléchissent déjà à l’après. « Il s’agit d’un équilibre fragile, mais espérons pouvoir rouvrir très vite des lits pour les patients non-Covid », indique Alexandre Demoule, chef de service réanimation à la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

Deux voies

Les semaines post-déconfinement seront déterminantes pour les hôpitaux, qui ont été très éprouvés par les semaines passées. « On est tous fatigués, et on sait qu’on va le rester encore longtemps. On n’a pas le choix », avance M. Demoule, qui n’imagine pas un « mieux » avant l’été. « Il y a encore beaucoup d’incertitudes mais le fait de ne pas avoir été débordés est un véritable soulagement ».

Lundi soir, le chef de l’Etat a esquissé une perspective de sortie de l’épidémie en pointant deux voies. La première d’entre elles est la mise au point d’un vaccin contre le Covid-19 : "Notre pays investira encore plus massivement dans la recherche et je porterai dans les prochains jours une initiative avec nombre de nos partenaires en votre nom pour accélérer les travaux en cours". 

La seconde est celle des traitements. Rappelant que la France est le pays « qui a engagé le plus d’essais cliniques en Europe », il a évoqué sans citer de nom, la controverse sur l’utilisation de protocoles à base d’hydroxychloroquine en indiquant :

"Il ne s’agit pas de donner un traitement si on n’est pas sûr mais de procéder à tous les essais cliniques pour que toutes les pistes soient poursuivies".