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Publié le 28 Janvier 2021

France - Ginette Kolinka, rescapée des camps : contre l'oubli

Malgré ses 94 ans, Ginette Kolinka explique aux jeunes, entre rails et barbelés, plusieurs fois par an, à quoi ressemblait l’enfer instauré par les nazis. Elle ne fait d’ailleurs pas dans la dentelle. Elle reste fidèle à elle-même, authentique et "brute de décoffrage".

Publié le dans France Culture - pour écouter Ginette cliquez ici

Épisode 1 : La mémoire retrouvée


Ginette raconte son enfance, son adolescence sous l’occupation, l’étoile jaune obligatoire, l’arrestation à Avignon, les camps, le retour… et surtout la philosophie de la vie qu’elle en a tirée.

30 juin 1945, Ginette Cherkasky arrive chez elle, dans l’appartement familial de la rue Jean Pierre Timbaud. Elle a 20 ans et pèse 26 kg. Totalement squelettique ! Décharnée. Le résultat de sa déportation. Elle rentre de Theresienstadt après Birkenau, Bergen-Belsen et Raghun.

Son père, son frère et son neveu, juifs comme elle et déportés avec elle dans le même convoi 71, ne reviendront pas. Sa mère ne s’en remettra jamais et restera dans le mutisme jusqu’à sa mort. Au contraire, ses cinq sœurs ont tout compris et ne demandent rien à Ginette. De toute façon, comment raconter l’abject ?

La libération, les années 50, la France qui se reconstruit et puis le coup de foudre au bal pour Albert Kolinka qui devient son mari, Ginette revit, heureuse.

"Depuis la sale période où j'ai été arrêtée, j'estime que depuis que je suis rentrée, j'ai une bonne étoile"Ginette Kolinka

Côté travail, elle vend de la bonneterie au marché d’Aubervilliers. Papa, lui, c’était les impers ! Tradition familiale oblige ! Un quotidien éprouvant mais Ginette possède du bagout et une chaleur parigote qui encourage le contact avec les autres. En juin 1953 naît Richard, son fils unique. Plus tard, il devient le batteur du groupe « Téléphone ». Ginette assiste à ses concerts et collectionne ses disques d’or. Toujours coquette et pimpante, elle harmonise chaque jour ses boucles d’oreilles à ses corsages colorés.

Dans cette vie anonyme et animée qui continue, l’enfer de la déportation semble bien loin et totalement oublié… jusqu’au jour où ! ?

Automne 1996, Rafael Lewandowski, documentariste franco-polonais téléphone à Ginette. Il voudrait qu’elle témoigne pour la fondation que Steven Spielberg, le réalisateur américain, vient de créer. Il veut recueillir les histoires de toutes les victimes de la Shoah. Ginette rechigne. Pour elle, sic, « trop dur, trop vieux, que du passé, rien à dire ! » Il  insiste et elle finit par accepter. Quand Rafael arrive chez elle et que la caméra commence à tourner, ô surprise, Ginette, comme transcendée, se met à raconter, raconter, raconter… son enfance, l’adolescence sous l’occupation, l’étoile jaune obligatoire, l’arrestation à Avignon, les camps, le retour… la philosophie de la vie qu’elle en a tirée, aussi !

"Tout ce que je raconte, je le revois". Ginette Kolinka

Depuis sa révélation audiovisuelle, elle transmet son vécu, sans peur et sans répit, partout où elle le peut, en ignorant allègrement ses 94 ans.

Avec Ginette Kolinka ; Richard Kolinka, son fils ; Rafael Lewandowski, cinéaste ; Huguette Cuisy, amie de Ginette.

 

Épisode 2 : Auschwitz II - Birkenau, la transmission

"Surtout, fermez les yeux, ne regardez pas ! Birkenau, maintenant, c’est un décor. Comment imaginer la fumée, les cris, les bousculades, ces dizaines de milliers de gens transformés en esclaves, qui travaillent, qui courent et qui tombent de fatigue ?"

A partir des années 2000, Ginette s’investit dans la transmission de son vécu de déportée ; "pour éviter que cela recommence" comme elle le confie sans relâche. C’est d’ailleurs son occupation principale qui est devenue aujourd’hui la motivation incontournable de son existence. Sa cible ? Avant tout les jeunes ! Sa devise permanente et répétée : "Acceptez l’autre quelles que soient sa couleur de peau et sa religion".

Un discours anti haine qu’elle distille sans défaillance dans les établissements scolaires de tout l’hexagone mais aussi sur site, à Birkenau, son principal lieu de déportation.

Malgré ses 94 ans, elle explique, entre rails et barbelés, plusieurs fois par an, à quoi ressemblait l’enfer instauré par les nazis. Elle ne fait d’ailleurs pas dans la dentelle. Elle reste fidèle à elle-même, authentique et "brute de décoffrage". "Surtout, fermez les yeux, ne regardez pas ! Birkenau, maintenant, c’est un décor" commence Ginette.

"J'ai toujours cru que la première fois que je viendrais j'allais m'écrouler. Et bien non, je ne me suis jamais écroulée. Ce que je vois ce n'est pas le Birkenau qui est dans ma tête". Ginette Kolinka

"Comment imaginer la fumée, les cris, les bousculades, ces dizaines de milliers de gens transformés en esclaves, qui travaillent, qui courent et qui tombent de fatigue ?". Et Ginette répète inlassablement dans un silence qui appartient maintenant à l’endroit : "n’oubliez pas, sous chacun de vos pas, il y a un mort ".

A la grande surprise de tous, l’âge ne semble pas atteindre cette rescapée qui capte l’attention de tous les élèves en parcourant les hectares d’herbe rase, espace aujourd’hui désincarné. Hier, c’était la boue permanente, les latrines immondes et les baraquements glacials. "La première fois que je me suis réveillée à Birkenau, j’ai vu des tas de chiffons au coin de la baraque dans laquelle je dormais. C’était les mortes de la nuit ". "Les femmes qui nous surveillaient nous frappaient à longueur de temps. Le but constant était de nous avilir et nous détruire. Nous étions ramenées à l’état de bêtes !".

 

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