Tribune
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Publié le 22 Juin 2012

Roger Garaudy par Valérie Igounet

Le site d'extrême droite d'Alain Soral Egalité et Réconciliation a annoncé le décès de Roger Garaudy (1913-2012) ce mardi 13 juin. Cela faisait un bon moment que l'on n'entendait plus parler de cet homme, mort à 98 ans. Une des dernières campagnes menées par l'ex communiste, ex chrétien converti à l’Islam, proche de certains cercles de l’extrême droite (Grèce et les milieux nationalistes révolutionnaires) a été son engagement pour le négationnisme. 

Dans les années quatre-vingt-dix, en France, une « affaire » a d'ailleurs porté son nom. Retour en arrière.

 

En décembre1995, le second numéro de la revue de Pierre Guillaume, ancien éditeur de Robert Faurisson, La Vieille Taupe, porte comme titre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne. Son auteur est Roger Garaudy. L’intervention de l’abbé Pierre en faveur de son ami, trois mois plus tard, provoque une grande émotion dans l’opinion publique et la classe politique. Les médias parlent désormais de l’affaire Garaudy-abbé Pierre. En juin 1996, un troisième tirage est annoncé. Plusieurs traductions sont en cours. Dès septembre 1996, le livre connaît quatre éditions en arabe. La Vieille Taupe renforce alors ses « liens organiques avec la mouvance arabe et la mouvance islamique ». On parle de 400 000 exemplaires en circulation. La publication de ce livre et ses conséquence ouvrent « à la problématique révisionniste des pans entiers de la société mondiale, qui y étaient totalement imperméables », souligne Pierre Guillaume. On peut apercevoir Roger Garaudy dans divers pays arabes où il dénonce inlassablement le « pouvoir sioniste ». Présenté comme un intellectuel et un philosophe, un ancien communiste converti à l’Islam, il est convié à la Foire internationale du Caire, à Beyrouth par le Forum nationaliste arabe, en Syrie par le ministère de l’Information et en Jordanie par l’Association des écrivains. À l’été 1996, Roger Garaudy répond à ses « calomniateurs » sur le site antisémite Radio Islam :

 

« C’est ainsi que je crois remplir ma tâche de musulman fidèle à un Coran qui nous appelle sans cesse à servir Dieu qui ne cesse de créer et de recréer le monde. Être fidèle au foyer des ancêtres ce n’est pas en conserver les cendres mais en transmettre la flamme ».

 

Les Mythes fondateurs de la politique israélienne insufflent au négationnisme une nouvelle dynamique. Le livre de Roger Garaudy n’a aucune prétention scientifique. Il ne fait que réactiver un antisionisme radical. Son intérêt est ailleurs. Il réside dans ses répercussions. L’affaire Garaudy entraîne une « poussée négationniste » dans le monde arabe dans lequel cette idéologie devient un instrument de propagande politique. En janvier 1998, Roger Garaudy comparaît devant la 17ème Chambre pour « complicité de contestation de crimes contre l’humanité », « diffamation à caractère racial » et « provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciales ». Pierre Guillaume est également assigné en justice, en qualité d’éditeur de son livre traduit alors dans vingt-trois langues. Jacques Vergès, ancien défenseur de Klaus Barbie, assisté de Philippe Pétillault, sont les avocats de Roger Garaudy. A ce moment, des pétitions de soutien à l'homme circulent dans les pays arabes où Roger Garaudy apparaît comme le nouvel héraut de la cause palestinienne. Le 20 janvier 1998, Mahamma Khatami, le Président iranien, déclare que les « gouvernements occidentaux ne tolèrent pas qu’on s’oppose à leurs intérêts, et c’est pourquoi l’Occident juge un érudit pour avoir écrit un livre sur les sionistes ». C’est le premier communiqué officiel d’un chef d’état étranger soutenant Roger Garaudy, et par ce biais, le négationnisme. Ce jour, Yasser Arafat doit se rendre au Musée américain de l’Holocauste de Washington ; une visite annulée par le dirigeant palestinien car la direction du musée refuse de lui accorder le traitement réservé aux personnalités. Le secrétaire général du gouvernement israélien et l’ambassadeur israélien à Washington expliquent ce geste par le fait qu’il y a « encore trop de négationnistes dans l’entourage de Yasser Arafat » et par une « montée de l’antisémitisme rhétorique » chez les dignitaires palestiniens.

 

Le 20 avril, Roger Garaudy est reçu en Iran par le Président et par l’ayatollah Khameneï. Au gré de ses interventions, il devient l’homme de référence sur la question du négationnisme, au grand dam de Robert Faurisson. Mais Roger Garaudy approche de ses 85 ans. Ses déplacements se font avec difficulté. Sa santé précaire l’a empêché, à plusieurs reprises, d’assurer la promotion des Mythes fondateurs de la politique israélienne. Pierre Guillaume s’en est chargé. Robert Faurisson fait comprendre à ce dernier qu’il sera plus performant dans cette tâche. Il va être, en quelque sorte, celui qui va assurer le relais.

 

A partir de ce moment, Robert Faurisson va continuer à exporter la propagande négationniste dans la monde arabo-musulman. Outre quelques publications mineures, Roger Garaudy ne fera pratiquement plus parler de lui.

 

L'ancien communiste préserve une certaine aura, liée à ses multiples engagements. Autour de lui, des hommes et des femmes poursuivent son combat. Maria Poumier soutient depuis de nombreuses années Roger Garaudy. C'est elle qui écrit un hommage à son ami que l'on peut lire, entre autres, sur le site Égalité et Réconciliation :

 

« C’est avec la stature du rédempteur qu’il entrera dans la légende, et c’est avec son dernier acte de résistance, lorsqu’à 83 ans il publie le livre qui le fera fusiller en effigie, glorieusement, comme un martyr, en France, par la France asservie au lobby israélien : Les Mythes fondateurs de la politique israélienne (¡K) On aurait même pu croire que le frère Garaudy n’était pas conscient, tant il est resté modeste, du coup mortel qu’il avait porté à l’entité usurpatrice qui prétend traiter le monde entier comme le pseudo-État israélien traite les Palestiniens et ses voisins. Nous portons aujourd’hui le triomphe de Garaudy, le triomphe de la pensée réconciliée avec l’honnêteté.

 

C’est autour de lui que les révolutionnaires de tout horizon peuvent entrer dans la résistance ensemble, et déclarer l’abolition des privilèges indus de l’ancien régime qui a atteint son zénith sous Sarkozy, et la fin des usurpations qui se réclament, le plus officiellement du monde, du judaïsme : usurpation financière et politique, usurpation du discours, usurpation de la pratique scientifique, volonté d’écrasement militaire du monde entier pour autant qu’il ne se soumet pas à Israël.

 

Aucun peuple ne peut choisir de se soumettre à Israël, aucune personne au monde ne choisit l’esclavage. Ceux qui ont été dans leur chair le plus écrasés d’esclavage sont ceux qui le savent le mieux, le plus profondément, le plus sincèrement. (¡K) Qu’il repose, notre frère Roger, dans la gloire aux côtés des prophètes qui ont choisi de servir les plus humbles, partout et en tout temps ».

 

Tout comme Alain Soral, Maria Poumier s'est engagée auprès de Dieudonné. Elle est également l'auteure d'En confidence. Entretien avec L' « Inconnue » (éditions Pierre Marteau, 2009), sorte d'hagiographie de Robert Faurisson. On l'aperçoit en Iran avec certains amis du négationniste français. Roger Garaudy peut être considéré comme un des initiateurs de cette nouvelle donne : l'internationalisation du discours faurissonnien et l'apparition d'un négationnisme d'État.

 

Valérie Igounet