Ancien Président du CRIF
Le discours de Valérie Pécresse au Zenith dimanche 13 février restera dans les annales de la communication politique comme un archétype de ce qu’il ne faut pas faire, entre un texte peu inspiré et une candidate qui peinait à incarner ce qu’elle appelait « sa » France. Échec qui se mesurait au délai de réaction de la salle quand le discours contenait des paroles appelant aux applaudissements.
La candidate jouait dans un registre qui n’était pas le sien, elle qui avait montré beaucoup d’habileté dans les débats et qui avait une réputation d’excellente gestionnaire. Avec la personnalisation du régime, la politique du spectacle, l’obsédante référence au Général de Gaulle et à l’identité française, on lui demandait non pas un programme, mais de sublimer les passions du public et de faire croire que sous sa direction les échecs feront partie du passé. De la pensée magique… On lui demandait une autorité charismatique, ce concept popularisé par le sociologue Max Weber qui a redonné vie à un vieux terme théologique qui a parcouru l’histoire du christianisme sous le nom de grâce.
Définir le charisme est difficile, constater son absence est plus simple : au Zenith, Valérie Pécresse en a manqué.
Il y a dans le charisme en politique un aspect viril et les femmes sont désavantagées par la tonalité de leur voix et par nos stéréotypes culturels. Ce n’est pas un hasard si Angela Merkel a été le contre-exemple du dirigeant charismatique. Chez elle, pas d’incantation, pas de théâtre. « Wir schaffen das, », « on va y arriver, » à propos de l’intégration des réfugiés, un modèle de sobriété dans la communication….
Les Français gardent peut-être la nostalgie d’un souverain guérisseur d’écrouelles, même s’ils revendiquent un égalitarisme où chacun donnerait un avis sur tout y compris de ce qu’il ne connait pas. Il en est peu en tout cas qui pensent, comme François Hollande, qu’être Président de la République soit une activité « normale », où seule compterait la compétence technique.
Si le charisme est utile, à dose forte la ferveur est une épice enivrante, qui transporte les foules, mais peut libérer les pires instincts en subordonnant toute pensée à la loyauté au chef. « Notre programme s’appelle Hitler » a été un slogan tristement efficace en Allemagne.
Le charisme est une notion relative qui peut en partie s’acquérir, se perdre et se fabriquer: les meetings à grand spectacle jouent le rôle ambigu d’accroche. André Tardieu, modèle d’homme politique rationnel et lucide, disait que n’importe quel minable parait un géant quand il est accueilli aux sons de la Marseillaise.
André Tardieu est oublié, comme l’est en Israël Levi Eshkol, Premier Ministre pendant la Guerre des Six Jours, dont on ne se souvient que par son allocution à la radio du 28 mai 1967. Alors que le pays vit dans l’angoisse d’un nouvel Holocauste, le Premier Ministre ânonne son discours, bute sur les mots, hésite et se reprend. Un désastre…
Eshkol avait créé le système d’adduction d’eau qui a fait fleurir le pays d’Israël et organisé comme secrétaire général de la défense, une armée équipée et bien commandée. Des documents récemment déclassifiés montrent son action de stratège politique au cours de ce mois d’une extraordinaire tension qui a précédé la guerre des Six Jours. Il a assuré le soutien américain en montrant qu’Israël avait tout fait pour éviter la guerre, il a résisté à la pression des généraux qui voulaient en finir au plus vite et laissé ainsi le temps d’une préparation optimale, il a assuré un consensus national en faisant entrer ses adversaires politiques au gouvernement, et il a imposé au si populaire général Dayan la conquête du Golan à laquelle ce dernier rechignait. Cet homme compétent, affable et désintéressé n’était ni narcissique, ni vitupérant. Il n’était pas éloquent et certainement pas charismatique.
Le prix qu’il a payé, c’est l’oubli des générations suivantes, mais il y a bien une vie politique en l’absence de charisme...
Richard Prasquier
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