#BlogDuCrif - Qui sont ces femmes djihadistes françaises ?

20 Février 2018 | 178 vue(s)
Catégorie(s) :
France

Pages

Actualité

Pages

La première djihadiste française capturée à Mossoul par les forces irakiennes en juillet 2017, Mélina Boughedir, a été condamnée, lundi 19 février, à sept mois de prison pour l’entrée illégale en Irak. La cour pénale de Bagdad a ordonné la remise en liberté et l’expulsion en France de la jeune femme de 27 ans, sa peine étant couverte par sa détention préventive, rapporte Le Monde du 19 février. Qui sont ces femmes désintégrées, déstructurées et aveuglées par la propagande développée par les djihadistes et qui ont été des proies faciles. C'est ainsi qu'elles se sont déshumanisées et ont participé à cette orgie barbare et moyenâgeuse qu’est le djihadisme.

La première djihadiste française capturée à Mossoul par les forces irakiennes en juillet 2017, Mélina Boughedir, a été condamnée, lundi 19 février, à sept mois de prison pour l’entrée illégale en Irak. La cour pénale de Bagdad a ordonné la remise en liberté et l’expulsion en France de la jeune femme de 27 ans, sa peine étant couverte par sa détention préventive, rapporte Le Monde du 19 février. Qui sont ces femmes désintégrées, déstructurées et aveuglées par la propagande développée par les djihadistes et qui ont été des proies faciles. C'est ainsi qu'elles se sont déshumanisées et ont participé à cette orgie barbare et moyenâgeuse qu’est le djihadisme.

Récit

Question posée sur un site Internet musulman : la femme doit-elle participer au Djihad ? "Est-ce que le Djihad de la femme est surérogatoire ? S'agit-il d'un djihad dans la propagande ou d'un djihad (militaire) contre les infidèles ?" Réponse de la Commission permanente pour les Recherches Académiques et l'Ifta (consultation religieuse) en Arabie Saoudite : "La femme n'a pas de responsabilité à avoir pour le djihad (et) les musulmans ne mobilisent pas les femmes (au djihad)". Selon cet avis donc, il n'incomberait pas aux femmes de se battre "contre les infidèles". En revanche, "elles doivent s'efforcer à appeler à la vérité et à expliquer la législation musulmane, de façon à ne pas risquer la violation de leur honneur et tout en s'habillant décemment et en évitant de se mêler avec des hommes qui leur sont étrangers et en évitant de rester seules avec eux, d'afficher une douceur". Dans le même avis, il est rapporté qu'Aïcha (la troisième épouse de Mahomet) a dit : "ô Messager d'Allah, les femmes doivent-elles participer au djihad ? -Oui, dit-il, un djihad qui n'implique aucun combat : le hadj (pour les musulmans le pèlerinage aux lieudits saints de la ville de La Mecque) et l'Oumra (L'Oumra représente un acte d'adoration obligatoire pour chaque musulman)".

Et pourtant, des Françaises partaient faire le djihad en Syrie ou en Irak. Selon David Thomson, journaliste et auteur du livre Les Jihadistes français (éd. les arènes, 2014, voir en particulier les pages 49 à 78), on aurait été sur une fourchette de 100-150 femmes et enfants, aux côtés des combattants français installés en Syrie (Le Figaro, 20 juin 2014).

Qui sont-elles ces femmes terroristes ?

Si le phénomène attirait les femmes, c'est parce que le discours tenu par les groupes djihadistes avait changé. Une place plus importante était dévolue à la femme musulmane dans le djihad syrien, alliée à une image qui reste traditionnelle. Doctorante-chercheuse suisse travaillant sur les femmes djihadistes à l'EHESS, Géraldine Casutt était/est en contact avec certaines de ces femmes. Selon elle, "l'idéologie djihadiste a tendance à présenter la femme comme un être de très grande valeur, complémentaire de l'homme. Une image de la femme musulmane ("al-ukhti", "ma sœur" en arabe) bafouée, selon eux, en Occident et dans les pays musulmans qu'ils estiment corrompus. C'est la deuxième nouveauté dans le message djihadiste. Ce discours résonne dans l'esprit des jeunes femmes et jeunes hommes qui avaient/ont développé un certain ressentiment à l'encontre des politiques religieuses menées dans leur pays d'origine (TV5 monde, 8 août 2014). Ces femmes ont/avaient le sentiment de servir une cause qu'elles estiment juste. A travers le djihad syrien, et l'éventuelle création d'un nouvel État islamique, elles endossent la défense des musulmans et musulmanes réprimés dans le monde, et surtout en Syrie par l'alaouite Bachar el-Assad.

Selon David Thomson toujours, trois scénarios étaient/sont donc possibles :

1) D'abord, il y a celles qui obtenaient/obtiennent une promesse de mariage d'un djihadiste français qui est déjà sur place. La plupart du temps, ça se fait sur Skype ou via les réseaux sociaux. Elles partaient seules mais retrouvent leur mari sur place. Une fois qu'elles étaient arrivées, leurs futurs époux appelaient la famille restée en France et demandaient l'autorisation de mariage au père. A noter qu'en Syrie, les djihadistes de Daech avaient ouvert une agence matrimoniale destinée aux femmes "désireuses de se marier avec des combattants".

2) Ensuite, il y a les femmes déjà mariées avec un djihadiste qui partaient avec les enfants en Syrie.

3) Et puis il y a celles qui se mariaient sur le sol français dans le but de partir en Syrie.

La station RTL avait rencontré Fatima, la mère d'une jeune femme de 22 ans, devenue djihadiste. Elle racontait comment, suite à cause d'une "mauvaise rencontre", "avec une fille de son âge", elle s'était peu à peu radicalisée, elle qui "n'était pas pratiquante". Elle se mit à porter le voile intégral, puis se maria religieusement via internet avec un Belge qui est là-bas depuis un an. Un jour, la jeune femme quitta sa mère : "elle m'a appelée, je lui ai dit de rentrer (...) Depuis, je n'ai plus de nouvelles". Fatima ne se résigne pas. "J'appelle une centaine de fois par jour, raconte-t-elle. Je me dis qu'elle va bien, sinon je ne tiendrai pas".

Selon le reporter de RFI, David Thomson, qui a recueilli des informations inédites de la bouche même des djihadistes français qui partaient en Syrie, elles sont clairement moins nombreuses que les hommes mais leur présence est notable: elles représentaient un quart des Français engagés dans les brigades sous allégeance d'Al Nosra, groupe affilié à Al-Qaïda ou encore du groupe Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Elles ne sont parfois que des adolescentes, les plus jeunes ont 14 ans. Les plus âgées ont dans la trentaine.

Beaucoup sont des converties à l'Islam, comme la jeune Clémence, ex-catholique pratiquante, dont il parle dans son livre. Justement, Clémence avait décidé avec Souleymane d'émigrer de France vers une terre d'Islam. Pour Souleymane, raconte-t-il, l'envie irrépressible de partir lui est venue de Facebook : "Le déclic, c'est bête, c'est en voyant la vidéo d'une sœur, une Française convertie elle aussi, une célibataire qui avait des problèmes avec la justice ici et qui est partie toute seule, pour se marier en Syrie." Il s'est dit alors qu'il n'avait aucune excuse et qu'il serait possible de partir. Clémence, 32 ans, sans emploi, évoque son trouble devant la vidéo : "Je me suis sentie visée et concernée. C'était incroyable, c'était Hollywood de la voir là-bas, c'était un film. Elle a émigré seule. Elle a pris l'avion et elle s'est mariée là-bas, elle a épousé un frère là-bas. Ça à l'air si facile quand c'est quelqu'un qui est comme nous. C'est pour cela qu'on part. C'est juste pour cela", explique-t-elle au reporter.

D'autres partaient, avec leurs enfants, pour suivre leurs maris candidats au combat en Syrie. C'est un phénomène spécifique : on part faire le djihad en Syrie avec femmes et enfants. D'autres jeunes femmes y vont pour épouser un combattant en pensant que grâce à cette union, elles se garantiront une place au paradis en tant que femme de martyr, si celui-ci meurt au combat...

Thomson raconte comment et pourquoi les combattants français désireux de se marier cherchaient une moudjahida francophone et partante pour le combat. La plupart d'entre eux préféraient donc inciter -via Internet- des Françaises à les rejoindre plutôt que d'épouser des Syriennes avec lesquelles ils ne peuvent guère entrer en contact, explique-t-il. Dans un autre extrait, Thomson racontait comment Sirine, une jeune française, n'aura échangé que deux ou trois fois par Skype, Facebook ou par téléphone avec son futur époux. Avant se marier, elle ne l'aura peut-être jamais rencontré physiquement. "Honnêtement, ça me gêne quand même un peu. Mais après je me dis que j'aurai une récompense au paradis."