Jean-Pierre Allali
Un livre de Victoria Klem
Dans la tradition juive, notamment dans le Talmud, le Sambatyon est un fleuve mythique au-delà duquel étaient rassemblées les dix tribus perdues d’Israël. Ce fleuve, qui a interpellé aussi bien Rachi qu’Eldad le Danite ou Abraham Aboulafia, ne pouvait pas, dit-on, être franchi pendant la semaine car il était agité de violents bouillonnements avec jets de pierres. Mais, miraculeusement, le Sambatyon se calmait le chabbat et si, en théorie, on pouvait alors le traverser, on ne devait pas le faire. Seule l’arrivée du Messie avec la résurrection des morts autoriserait ce passage.
Si Victoria Klem, pour son premier roman, a choisi ce titre, c’est que l’on dit aussi que le Sambatyon, c’est le fleuve qui sépare les vivants des morts. Or, le livre, délicat et sensible, de l’auteure est consacré à la fin de vie.
Nous sommes dans une clinique. Une famille est réunie autour du grand-père, Bob, Boby, Pappy, Papinou, qui se meurt : cancer des os. Désormais sous sédatif, il est profondément endormi.
La médecine ne peut plus rien et il y a lieu de décider, en application de la loi Léonetti, s’il convient d’abréger les souffrances de l’agonisant.
Autour du malade, il y a son épouse, Betty, sa fille, Emma, et ses petits enfants : Maxence, kinésithérapeute qui a su, il y a peu, soulager le malade, Julie, venue tout spécialement d’Israël et la narratrice, Vanessa, alias Vany, qui, régulièrement, récite des poèmes de sa création en espérant que Bobby les entende, malgré tout. Des pensées, écrites en italiques, sont d’ailleurs attribuées au mourant.
Le personnel médical, notamment l’infirmière Françoise, est particulièrement compréhensif et permet à la famille de partager un repas de chabbat autour du mourant. Pour réciter en sa présence, un dernier kiddouch. Les discussions se font parfois délicates quand il s’agit de régler les détails de l’enterrement. Les religieux de la famille s’opposent aux non croyants. Sans oublier les interventions d’un rabbin de passage.
Une semaine d’attente où l’on se relaie autour du malade. Betty, un jour, décide de montrer à la famille réunie les bijoux que son mari lui a offerts tout au long des années tout en lisant, à haute voix, la première lettre que son époux lui a adressée.
Papinou décide tirer sa révérence juste avant Roch Hachana, le nouvel an juif. Dès lors, selon la Halakha, la loi juive, il n’ y a pas de shiva, le deuil des sept jours, et Julie, très pratiquante, peut regagner Israël à temps pour les fêtes.
Original et émouvant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Sépia. Préface de Gérard Cardonne. Septembre 2016. 182 pages. 17 €.