La qualité d’une société civile se mesure à l’aune de son système judiciaire et au respect manifesté par les habitants d’un pays à l’égard de leurs juges.
L’expérience judiciaire française dont le point paroxystique est le naufrage d’Outreau montre non seulement un grave dysfonctionnement de notre système judiciaire, mais révèle surtout une méfiance de plus en plus grande des Français à l’égard de leurs juges et de la justice rendue en leurs noms. Retrouver la confiance envers ces juges ne se fera pas par une énième réforme de la procédure pénale, ou par une augmentation subite du budget de la justice. Le mal est beaucoup plus profond, car il s’agit de redonner sa véritable place au juge, une place définie par le plus large consensus possible.
L’expérience judiciaire israélienne est à cet égard passionnante et captivante et personne ne peut contester le rôle joué notamment par la Cour Suprême dans le caractère démocratique de la construction de l’Etat. Connaît-on beaucoup d’autres démocraties qui, en état de guerre depuis leur naissance, confient aux juges un rôle suprême puisque leurs décisions s’imposent à l’armée, à l’administration, au pouvoir législatif ou au pouvoir exécutif ? La barrière de sécurité a vu son tracé modifié par la Cour Suprême. Des colons ont été expulsés à la suite d’une décision de cette même Cour.
Les exemples sont nombreux et un juge de cette même Cour me confiait récemment qu’il n’existait pas d’exemple de résistance administrative, militaire ou politique, face à une décision de la Haute Cour.
Peuple extraordinaire qui par cette pratique retrouve le précepte biblique fondamental ordonné dans le désert : « Tu institueras des juges et des magistrats dans toutes les villes que l’Eternel ton Dieu te donnera dans chacune de tes tribus ».
L’importance de la loi et le rôle primordial du juge dans la culture juive viennent de ce précepte-là. La pratique israélienne en est l’illustration contemporaine.
Seuls des ignorants et des gens de mauvaise foi peuvent oser dire que cet Etat est théocratique. Cela a d’autant moins de sens que ni les juges, ni le législateur ne sont des rabbins.
Si le droit ottoman, si la Common Law ont exercé une influence réelle, la loi juive a bien évidemment une place centrale dans le droit israélien. Non pas au sens religieux du terme, mais comme reposant sur les principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration d’Indépendance qui soulignent notamment que l’Etat d’Israël :
« sera fondé sur la liberté, la justice et la paix comme envisagé par les prophètes d’Israël. Il assurera l’égalité complète des droits sociaux et politiques à tous ses habitants, sans considération de religion, de race ou de sexe. Il garantira la liberté de religion, de conscience, de langue, d’éducation, de culture ».
La Cour Suprême a jugé que ces déclarations constituaient « la vision du peuple et son credo». Cette déclaration va bien au-delà d’une loi. Elle affirme le caractère démocratique de cet Etat défini comme une nation. La protection des droits civils est le socle de son système judiciaire et de son droit.
Le temps me manque pour vous parler des lois fondamentales qui constituent la charte constitutionnelle des droits. Mais j’y reviendrai, car la loi, le droit et les juges occupent une place centrale dans ce pays. C’est peut-être ce qui distingue une démocratie vaillante comme Israël d’une démocratie fatiguée comme la France.