Bruno Halioua

Président de la Commission Souvenir du Crif

Blog du Crif - La mémoire des enfants du Ghetto de Varsovie (1)

15 Avril 2021 | 238 vue(s)
Catégorie(s) :
Actualité

La 12ème Convention nationale du Crif a eu lieu hier, dimanche 4 décembre, à la Maison de la Chimie. Les nombreux ateliers, tables-rondes et conférences de la journée se sont articulés autour du thème "La France dans tous ses états". Aujourd'hui, découvrez un des temps forts de la plénière de clôture : le discours de Yonathan Arfi, Président du Crif.

 

"For the union makes us strong" : car l'union nous rend forts, Solidarity forever, Peter Seegers

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Le 19 avril, comme chaque année nous commémorons l’anniversaire du soulèvement du Ghetto de Varsovie. C’est l’occasion d’honorer la mémoire des hommes, des femmes et des enfants qui ont été exterminés. Dans ces chroniques avons voulu rappeler le souvenir des 100 000 enfants du Ghetto de Varsovie qui ont été tué à travers ces photographies emblématiques.

 

Les deux petites filles qui jouent dans le Ghetto de Varsovie

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Crédit photo (c) : Yad Vashem Photo Archives FA 36/2069

 

Comment ne pas être ému en voyant cette photographie de cette petite fille en train de chuchoter un secret à sa copine ?

On ressent une forte complicité entre ces deux petites filles âgées de 4 ans. L’une dispose d’une pelle et l’autre porte un petit sceau. La petite fille qui a un petit ruban soigneusement noué dans ses cheveux  regarde vers le ciel. A quoi pense t-elle ? D'autres enfants en arrière plan s’amusent également à faire des « patés ». On aperçoit deux mamans également qui surveillent leurs enfants. Cette scène se déroule dans une partie de  la cour d’un immeuble situé dans le Ghetto de Varsovie au 127 rue Leszno qui a été aménagé en espace de jeu pour les enfants. 

L’architecture particulière des logements du ghetto, construits autour d’une cour (hoyf), favorise considérablement l’établissement de liens de solidarité entre les habitants. Avant la guerre, la hoyf était un microcosme de la vie juive de Varsovie juive. Il y avait un enchevêtrement d’ateliers, avec des logements en sous-sol pour les plus pauvres, et des appartements plus spacieux dans les  étages supérieurs. Au sein du Ghetto, les habitants de  ces immeubles prennent l’initiative de se réunir entre colocataires après le couvre-feu dans la cours pour discuter du cours de la guerre ou pour se remonter le moral. Au sein de chaque immeuble, il est créé un comité d’immeuble afin de mettre en place des actions de solidarité. Ces comités, qui existent dans chaque grand immeuble, organisent des repas, des distributions de vêtements ou d’articles de puériculture et des garderies.  C’est justement dans l’une de ces Hoyf qu’a été prise cette photographie car les enfants juifs du Ghetto ne disposent d’aucun espace vert. Les autorités d’Occupation en ont établi le tracé en prenant soin de n’y intégrer ni jardin ni parc. Le 18 mai 1942, Abraham Lewin exprime sa frustration dans son journal : « Il est impossible de prendre plaisir à contempler la nature, la beauté du monde de Dieu » Un habitant du ghetto rapporte que les enfants « ne savaient rien des animaux et des plantes. Ils ne savaient même pas à quoi ressemblait une vache».

Pendant l’été 1941, certains installent ces jardins d’enfants sur des parcelles de cours ou des toits en jardins rudimentaires dont l’accès est payant. Les habitants prennent plaisir à se rendre dans ces lieux de convivialité. Mary Berg évoque le sentiment d’évasion qu’elle éprouve lorsqu’elle se rend sur l’une de ces toitures afin de profiter du soleil. « L’air est pur […] et je pense au vaste monde, à des terres lointaines, à la liberté. »

Certains débrouillards font payer ces « espaces de liberté » ce qui suscite l’indignation d’Emmanuel Ringelblum car il considère que cela contribue à accroître le clivage social au sein du ghetto : « Certaines cours ont été transformées en restaurants de plein air. D’autres ont été louées pour servir de terrains de jeux pour enfants. Seuls les gosses des riches peuvent en bénéficier, car le prix est de 30-40 à 70 zlotys par mois. Les enfants pauvres ne voient jamais de verdure. L’air frais lui aussi est mis en vente ! ».

Les parents de ces deux petites filles ont-ils payé pour qu’elles puissent profiter de ce jardin d’enfants ? Il est impossible de le savoir. Qu’importe. Cette photographie suscite une émotion particulière quand on sait qu’il s’agit de leurs derniers moments d’insouciance  avant leur extermination à Treblinka comme pratiquement les 100 000 enfants du Ghetto de Varsovie …

 

Bruno Halioua

Pour en savoir plus: Les 948 jours du ghetto de Varsovie. Bruno Halioua. Ed Liana Levi. 253 pages. mars 2018.