Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le billet de Richard Prasquier - Discours en mémoire des victimes de la Shoah

26 Septembre 2023 | 116 vue(s)
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Actualité

Seuls, nous ne pouvons rien. Tous unis nous pouvons tout.

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Pages

Lors de la cérémonie annuelle d'hommage aux victimes de la Shoah et aux Engagés volontaires Juifs étrangers, organisée par le Farband à Bagneux, Richard Prasquier a prononcé un discours en mémoire des victimes de la Shoah le 24 septembre 2023. 

 

***

 

Mesdames et Messieurs, chers amis,

 

Nous ne sommes pas ici pour marquer une date, pour commémorer un événement, pour réclamer contre une injustice, pour protester contre une décision, pour prévenir contre un danger, pour focaliser contre un pays… Il y a pour cela d’autres jours et d’autres lieux. 

 

Nous sommes ici pour nous recueillir au nom des Juifs morts pendant la Shoah, tous les Juifs, non seulement les 80 000 tués en France ou à partir de la France, non seulement les trois millions de Juifs tués en Pologne, mais les 1 661 Juifs déportés de l’île de Rhodes, les 94 Juifs débusqués à l’île de Cos et le Juif unique de l’île de Léros, Daniel Rahmin, tous raflés fin juillet 1944 pour être envoyés dans un voyage en train de treize jours vers Auschwitz où un quart seulement des passagers arriva vivant.

 

La Shoah c’est aussi ce ratissage minutieux porté par une indifférence administrative que décrit le terme de « crime de bureau » suivant la formule utilisée lors du procès Papon par Maître Michel Zaoui, que je salue ici, lui que la maladie empêche depuis longtemps de participer à cette cérémonie où il aurait particulièrement sa place.

 

Six millions de victimes… Le cerveau humain n’est pas adapté aux grands nombres, quand il ne s’agit pas de finances. Alors disons-le autrement. S’il faut deux journées et deux nuits pour lire les noms des victimes en France, pour lire les noms des victimes de la Shoah en Europe, il faudrait, à supposer que nous les connaissions tous, 150 jours et 150 nuits, cinq mois entiers…

 

La crevasse ne se comblera pas…

 

Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends

wir trinken sie mittags und morgens, wir trinken sie nachts

wir trinken und trinken

wir schaufeln ein Grab in den Lüften; da liegt man nicht eng

« Lait noir du petit jour, nous le buvons le soir,

nous le buvons midi et matin, nous le buvons la nuit, nous buvons et buvons, nous creusons une tombe dans les airs, on y couche à son aise. » 

 

C’est en mai 1945 que Paul Celan, tourmenté d’avoir survécu, a écrit Todesfugue, la fugue de Mort. Près de quatre-vingts ans plus tard, ces paroles résonnent encore en moi. Et pourtant ceux qui ont survécu ont dû cacher la morsure, enfouir les souvenirs, camoufler les cauchemars, aller de l’avant et faire de nous, leurs enfants, des êtres protégés, souvent surprotégés. Peu à peu nous avons compris, nous qu’ils faisaient sortir de la synagogue au moment de l’Yzkor à Yom Kippour, la cérémonie du souvenir que nous vivrons demain une fois de plus, pourquoi ce moment était si important pour eux, pourquoi ils ne pouvaient manquer ce rendez-vous annuel à cette rencontre intime, silencieuse, douloureuse et indispensable avec leur famille exterminée, eux qui pour beaucoup, au fil de l’année, ne mettaient pas ‒ ou ne mettaient plus ‒ les pieds dans le moindre lieu de prière. 

 

Il y a aussi dans la rigidité bureaucratique de ce crime hors normes que fut la Shoah, une part de hasards et d’absurdités dont ce Monument des Engagés Volontaires et Anciens Combattants Juifs Étrangers est d’une certaine façon le témoin.

 

Outre les soldats juifs de nationalité française, près de 25 000 Juifs non naturalisés, principalement polonais, s’engagèrent comme volontaires dans l’armée française. C’est un pourcentage considérable. Mal équipés, formés à la hâte, ces coiffeurs, fourreurs, tricoteurs aux noms imprononçables défendirent leur pays d’accueil avec acharnement : ils savaient, eux, que l’ennemi n’était pas uniquement l’adversaire allemand de toujours, mais une idéologie criminelle. 

 

Après la défaite, 15 000 Juifs, français ou étrangers, parmi le million et demi de soldats français prisonniers, prennent le chemin des stalags ou des oflags en Allemagne où ils doivent déclarer leur religion. Ils vivront des années difficiles, angoissantes, parfois émaillées de remarques antisémites mais souvent de fraternité entre détenus, des années rivées à l’arrivée du courrier qui parfois brutalement n’arrive plus, des années au cours desquelles certains apprendront des prisonniers polonais qu’ils côtoient l’existence de lieux d’exterminations de Juifs. Cette connaissance était plus largement partagée qu’on ne l’a dit. L’ignoble Brasillach qui avait voyagé en Pologne, le savait parfaitement. On vient d’apprendre que le Saint-Siège était informé par un jésuite allemand anti-nazi dont les messages restèrent malheureusement lettre morte.

Pourtant les soldats juifs prisonniers ne furent pas maltraités et bénéficièrent des Conventions de Genève, aussi étonnant que cela paraisse de geôliers d’un régime qui avait inscrit leur extermination parmi ses objectifs. Question de temps sans doute… Ils apprendront après la guerre, comme l’a dit l’un d’entre eux, le grand rabbin Ernest Gugenheim, qu’ils avaient miraculeusement été protégés par l’uniforme, mais ils découvriront souvent aussi que leur famille a disparu, déportée comme ont été déportés les volontaires juifs rentrés chez eux sans avoir été fait prisonniers et que la police de Vichy a plus tard arrêtés sans le moindre état d’âme. 

 

Hasards et paradoxes de la survie. Chaque Juif après la guerre se demandait pourquoi lui et pas l’autre, et ce questionnement était souvent une nouvelle source d’angoisse…

 

Depuis des années, j’essaie de ne pas manquer cette cérémonie. Cette mémoire nous rassemble tous, quelles que soient nos origines, et il est inutile de rappeler qu’il s’en est fallu de peu, de très peu, que les Juifs d’Afrique du Nord ne subissent le même anéantissement que ceux du continent européen.

 

Je remercie ceux qui, année après année, préparent ce moment fort de recueillement, et je souhaite à mon ami Henry Battner un prompt rétablissement. Un salut particulier à celles et ceux qui font entendre les langues de nos pères, le judéo-espagnol et le yiddish, presque mortellement atteintes au cours de la Shoah. 

 

Rien ne refera plus éclore les promesses anéanties avec les massacres de masse, mais il nous faut encore et encore lutter pour ne pas accorder la moindre victoire posthume à l’abomination nazie et à ses déclinaisons contemporaines. 

 

Cette lutte passe par une défense sans faiblesse de l’État d’Israël et de ses valeurs démocratiques.

 

Am Israel haï.

 

Richard Prasquier, Président d’honneur du Crif