Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le billet de Richard Prasquier - Les liaisons incongrues de l'antisionisme

15 Septembre 2023 | 171 vue(s)
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Israël

Chronique de Bruno Halioua, diffusée sur Radio J, lundi 12 février à 9h20.

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Opinion

Mardi 16 juillet 2024, s'est tenue la cérémonie nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites et d'hommage aux Justes de France, commémorant la rafle du Vél d'Hiv organisée par le Crif en collaboration avec le Ministère des Armées. Cette année, à l'approche des Jeux Olympiques, la cérémonie s'est tenue au Mémorial de la Shoah. À cette occasion, le Président du Crif a prononcé un discours fort et engagé, dans un contexte national et international difficile.

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Je voudrais, en préambule à cette chronique, rendre hommage au militant exceptionnel que fut Sammy Ghozlan, qui vient de nous quitter et qui a fédéré autour de lui des hommes et des femmes qui sont un soutien inappréciable pour les victimes d’agressions antisémites. Lorsque j’étais Président du Crif, nous avons eu des désaccords, mais nous en avons toujours traité dans une ambiance de respect. Nos origines respectives, lui Constantine et moi la mer Baltique, nous imposaient de profiter de nos différences en amitié. En juillet, j’ai lu qu’un décérébré, chauffeur de foules connu au Likoud, avait hurlé que six millions d’ashkénazes tués, ce n’était pas assez et  j’avais pensé à la réaction de dégoût qu’avait probablement ressentie Sammy Ghozlan en l’apprenant. זיכרונו לברכה

 

Dans cette dernière chronique de l’année, c’est un dégoût de même type que je veux exprimer, et il est indirectement, très indirectement, lié à Roch Hachana. Benyamin Netanyahu a mis en garde sur les risques d’un pèlerinage ces jours-ci à Ouman sur la tombe de Rabbi Nahman de Bratslav et il a ajouté : « Dieu n’a pas toujours protégé les Juifs sur le sol européen et sur le sol ukrainien en particulier ». Ce qui est malheureusement historiquement indiscutable…

Que n’avait-il pas dit ! 

Il fut accusé d’idolâtrie du pouvoir (il y est habitué), d’ignorance (il l’est moins) et enfin de sacrilège et d’hérésie (ce qui doit être une première). La charge la plus dure est venue d’un député de Yahadout Hatora, le parti haredi. Pas n’importe quel député : il est vice-Président de la Knesset et Président de commission, il s’appelle Israël Eichler et s’était distingué dans le passé en traitant les Juifs non orthodoxes de retardés mentaux.

Mais le plus grave, c’est la suite de son discours. « Ce sont les sionistes qui sont responsables des souffrances des Juifs pendant la Shoah… » et, en s’adressant au Premier Ministre : « Taisez-vous au lieu de blâmer le Dieu d’Israël pour vos échecs et vos crimes ».

Je rappelle que son parti appartient à une coalition si sioniste que certains de ses membres voudraient imposer une déclaration de loyauté à l’État d’Israël pour autoriser le vote et que Yahadout Hatora demande une exemption de service militaire pour tous  les étudiants de yechivot, exemption logique si on pense que ces étudiants sont les vrais et seuls défenseurs de la sécurité du pays, exemption scandaleuse pour ceux qui ne le pensent pas.

La présentation du sionisme comme responsable de la Shoah évoque de curieux parallèles. C’est celle des antisionistes les plus virulents, comme Ken Livingstone, l’ancien Maire de Londres. Et c’est aussi le discours d’un multirécidiviste, le Président Mahmoud Abbas. 

Après avoir déclaré l’an dernier, devant un chancelier allemand stupéfait mais passif, que les Israéliens réalisaient en Palestine 50 holocaustes, il vient d’étoffer son discours : les nazis ont bien tué des Juifs en Europe, mais parce que ceux-ci se conduisaient mal, et pas par antisémitisme, puisque ces Juifs n’étaient pas des sémites. Un clin d’œil ici à Shlomo Sand, qui a ressuscité une théorie des Khazars sources des populations juives d’Europe centrale dont les spécialistes de génétique des populations s’accordent aujourd’hui à dire qu’elle repose sur du vent.

Mais au-delà, dans sa thèse de 1982, Mahmoud Abbas reprenait exactement les mêmes accusations que Israël Eichler aujourd’hui : non seulement les sionistes n’ont pas aidé les Juifs d’Europe mais ils en ont même favorisé la suppression (dont à l’époque il minimisait considérablement les chiffres). Leur idéologie était analogue à celle des nazis ; ils voulaient commercer avec eux, se débarrasser de ceux qu’ils considéraient comme des bouches inutiles à la construction de leur état, et pouvoir ensuite se poser en victimes…

N’en jetez plus…

L’Université qui a accordé le titre de Docteur à Mahmoud Abbas pour son brillant travail était l’Institut des Études Orientales de l’URSS, une émanation du KGB, dont il était alors un agent stipendié. Après la déculottée des alliés arabes de l’URSS pendant la guerre des Six Jours, le KGB avait été chargé d’expliquer scientifiquement la nature maléfique du sionisme. Il fit son travail dans la lignée des Protocoles des Sages de Sion et produisit des textes consacrés aux similitudes entre sionisme et nazisme. C’était aussi peut-être un moyen de faire oublier l’alliance germano-soviétique du début de la guerre. Cette propagande archi grossière a été malheureusement archi-efficace.

Dans un assemblage de citations pseudo-scientifiques, trafiquées et décontextualisées, Mahmoud Abbas n’avait plus qu’à se servir. Aujourd’hui, il n’est finalement sorti de sa thèse que pour en aggraver les mensonges. Sa prétendue hostilité à l’antisémitisme est à mettre au regard de sa définition personnelle du sémitisme. Elle est aussi crédible que celle du rappeur Médine et des autres islamistes.

Tous se retrouvent dans la même diffamation du sionisme que l’ultra-gauche et les haredim dans un attelage baroque et déprimant.

Dans le mouvement haredi on croyait que des déclarations antisionistes aussi violentes étaient le fait de marginaux du Netourei Karta ou de certaines branches du Satmar, tels ceux qui sont allés à Téhéran vomir sur Israël auprès de Ahmadinejad. Mais là, il s’agit d’un député israélien, provenant de la hassidout de Belz, un mouvement hassidique en expansion et réputé être parmi   les plus progressistes.

 

En Israël aujourd’hui, un clivage en cache d’autres, à l’intérieur de la coalition actuelle comme dans la coalition précédente, bien que ces clivages ne soient pas les mêmes. 

Raison de plus de ne pas faire dépendre les bases de la société sur des majorités de rencontre disparates sans qu’existe un vrai socle constitutionnel largement accepté.

Ce socle ne peut pas, ne doit pas être théocratique, ce qui ne signifie pas qu’il doive expurger les valeurs du judaïsme.

Un espoir pour la nouvelle année…

Chana tova

 

Richard Prasquier, Président d’honneur du Crif

 

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