Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le billet de Richard Prasquier - Une résolution anti-israélienne à l’Assemblée Nationale

28 Juillet 2022 | 239 vue(s)
Catégorie(s) :
France

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La 12ème Convention nationale du Crif a eu lieu hier, dimanche 4 décembre, à la Maison de la Chimie. Les nombreux ateliers, tables-rondes et conférences de la journée se sont articulés autour du thème "La France dans tous ses états". Aujourd'hui, découvrez un des temps forts de la plénière de clôture : le discours de Yonathan Arfi, Président du Crif.

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La proposition de résolution 143, déposée  le 13 juillet, 4 jours avant la commémoration au Vel d’Hiv, sur le Bureau de l’Assemblée nationale, pour condamner l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien, a suscité de nombreuses réactions dans la communauté juive française. Je ne peux que m’y associer, le terme « abject » me parait approprié pour la qualifier.

Je ne reprendrai pas la critique des arguments utilisés dans cette résolution, et notamment du mot scandaleux d’apartheid.

D’autres l’ont fait, par exemple l’excellent texte de Céline Pina à ce sujet. Mais les signataires n’ont que faire de la critique. Ils savent que la résolution  n’a aucune chance d’être votée. Pourquoi ont-ils décidé de la présenter alors que  la France a manifestement aujourd’hui d’autres chats à fouetter ?

Ce n’est pas une protestation morale, comme ils le prétendent, c’est un acte politique; certains diraient qu’il s’agit d’un acte de cuisine politique. C’est sur cette dimension que je voudrais m’attarder et non sur ses éventuelles pensées ou arrière-pensées antisémites.

Le texte a été concocté par le député communiste du Havre Jean Paul Lecoq, aujourd’hui vice-président de la commission des Affaires étrangères .

Lecoq est le successeur spirituel de l’ancien député Jean Claude Lefort, qui fut Président de l’Association France Palestine Solidarité et qui est le beau-père de Salah Hamouri. Pour rappel, Salah Hamouri, jugé pour tentative d’assassinat envers le rabbin Ovadia Yosef, a été emprisonné en Israël  entre 2005 et 2011, puis placé en détention administrative en 2017 pour avoir pris des fonctions dirigeantes au sein du FPLP. Cette détention administrative est considérée par ses partisans comme le crime des crimes, et des réclamations sont rituellement posées à l’Assemblée Nationale à son sujet. Aucun détenu français à l’étranger n’a eu droit à une telle mobilisation.

Pour le Parti communiste, soutenir  Salah Hamouri, dont l’histoire est citée dans la résolution, permet d’occulter le rôle de l’islamisme  puisque le FPLP, dont chacun connait la très sanglante histoire, mais qui est aujourd’hui très marginal, a été fondé par un chrétien. Par contraste, cela permet aussi de traiter Israel de régime théocratique. Cerise sur le gâteau, le FPLP se veut marxiste, ce qui rappelle de bons souvenirs au PC et envoie un  bon signal aux anciens partis frères, comme en Chine, en Russie ou en Amérique du Sud.

S’en prendre à Israël, c’est aussi ressusciter l’impulsion  d’une conférence de 1955 dont Nasser fut un des héros, celle de Bandung qui a placé le combat contre l’Occident sous la bannière anti-colonialiste, et dont les 30 participants, à quelques exceptions près, se retrouvent parmi les habitués des motions anti-israéliennes. C’est aussi raviver le souvenir de la conférence de  Durban, dans l’ancien pays du vrai apartheid,  qui en septembre 2001 a lancé l’étendard  de la lutte contre les discriminations raciales. Conférence de Durban qui a dérivé dans un délire anti-israélien dont les conséquences perdurent et que le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU s’attache à cultiver. L’un des membres d’une Commission d’enquête de ce Conseil, l’honorable Miloon Kothari,  vient de déclarer que le terme de Apartheid était insuffisant pour décrire la situations des Palestiniens, mais que malheureusement les Juifs contrôlent les médias. M. Kothari dépasse la détestation anti-israélienne; il a pris le maillot jaune de l’antisémitisme au Conseil des Droits de l’Homme de l'ONU. Compliments, car la concurrence est sournoise, mais rude…

Il n’est pas indifférent que parmi les signataires communistes ou apparentés, une majorité soit originaire des Antilles, de Guyane ou de Polynésie. Je doute que Salah Hamouri ait été leur préoccupation majeure, mais un ticket anti-israélien donne une meilleure place dans le wagon anti-colonial.

Le deuxième bataillon des signataires de la résolution, c’est LFI. Il  y manque  plusieurs des ténors du groupe. Est-ce par tactique, quand certains députés, dont les corbyniennes Obono et Simonnet, sont venus à la commémoration du Vel d’Hiv pour se donner une respectabilité sur le compte des Juifs morts? Ou bien les 72 députés insoumis ont-ils voulu laisser au maigre contingent des 12 députés communistes l’honneur de cette initiative?

Je doute malheureusement qu’il y ait le moindre désaccord idéologique. Dans la rhétorique mélenchonienne, celle de la conflictualité tous azimuts, une telle résolution a bien des avantages. Le plus important est de montrer que le Leader Maximo français est en concordance intersectionnelle avec la partie de son électorat qui a fait de la détestation d’Israël l’alpha et l’omega des luttes contre les puissants, un combat d’autant plus agréable à mener qu’il permet de ne pas se frotter aux très puissants, tels la Chine ou la Russie, qui sont par définition des alliés mais qui pourraient devenir méchants si on s’opposait à eux. Pour Jean Luc Mélenchon, mais pour Jean Paul Lecoq aussi, les Ouighours, les Tibétains et les Ukrainiens ne sont vraiment pas de « bons clients ». Les Palestiniens cochent plus de cases.

Dans la Nupes il y a aussi des écologistes. Deux ou trois ont signé cette résolution, dont Aurélien Taché, recordman du caméléonisme politique. Quant aux socialistes, ils n’apparaissent pas parmi les signataires et un de leurs membres, Jérôme Guedj, a fortement protesté. Mais ces protestations, je ne les ai pas entendues de la bouche de Olivier Faure, ce qui laisse pressentir qu’il a vraiment acté la fin du parti socialiste, le parti de Jaurès et de Blum, au profit de son ersatz nupiste.

Richard Prasquier